La peinture d’Anne-Marie REEB a une parenté métaphysique avec la forêt. Au fil de ses travaux, elle est devenue la thématique principale de sa production picturale. Quand on interroge l’artiste, elle vous répondra que la forêt a toujours été pour elle un refuge, un lieu d’imprégnation, un laboratoire d’atmosphère. Elle fait partie de ces personnes pour qui cette forme particulière de nature est semblable à un sanctuaire, un lieu ou une main invisible gère les mystères.

Les tableaux forestiers d’Anne-Marie REEB, ne sont pas une simple restitution d’une réalité biologique, ou la transcription picturale d’une biocénose arborée. A chaque œuvre nouvelle, le spectateur est convié à une itération imaginaire où le   réel est transfiguré par une flamboyance chromatique qui restitue des enracinements anciens en même temps que tout le caractère ambivalent de la forêt dans ce qu’elle peut avoir d’angoissant et de serein, d’oppressif et de rassurant, de menaçant et de protecteur. A travers des coloris où dominent tour à tour les bleus profonds allant parfois jusqu’au noir, signe de renaissance posthume, les  cérulescences hyalines remémorant les premiers matins, les ocres purpurascentes évoquant de quelconques hématorrhées, et les jaunes lumineux  symbolisant les estivalités éternelles, l’artiste nous transmet, avec un art consommé, son « savoir romantique de la nature ».

A travers ses multiples variations sur le thème de la forêt, l’artiste ne nous rappelle non seulement toute l’ambiguïté des manifestations de l’inconscient, mais nous fournit aussi des réminiscences camouflées de peintres dont elle se réclame, mais auxquels elle a cessé de se référer. Carzou, dont elle retient pour ses compositions l’aspect « mise  en scène » des paysages desquels à certains moments on ne sait plus s’ils sont extérieurs ou intérieurs ; Le  Caravage qui lui laisse le goût des incidences lumineuses qui semblent venir de l’extérieur comme  pour sacraliser ; John Constable de qui elle tient sa capacité à restituer une atmosphère ; William Turner qui lui a insufflé l’envie d’actualiser la dimension du rêve,  et le célèbre Caspar David Friedrich qui lui a laissé un zeste de solitude mélancolique dans des arborescences subitement angoissantes.

 Théo Trautmann